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Ces mots, raison, liberté, égalité, opinion, Louis les retrouve chaque jour dans les gazettes ou les pamphlets, qui paraissent quotidiennement. Et il en a dénombré plus de quarante chacun de ces derniers mois. Il les feuillette avec une inquiétude et une angoisse qui augmentent depuis qu’il a pris, ce 29 décembre 1786, la décision de convoquer cette Assemblée de notables.

Il ne sait plus si la proposition de Calonne à laquelle il s’est rallié était judicieuse.

Il a même le sentiment que l’opinion, alors que la réunion de l’Assemblée est fixée au 22 février, salle des Menus-Plaisirs, s’enflamme déjà, que les critiques fusent, que les passions s’exacerbent.

S’il le pouvait il reviendrait sur son choix, et il songe déjà à renvoyer Calonne, d’autant plus que les critiques se multiplient contre le ministre.

La reine ne l’aime pas. Elle suggère le nom d’un remplaçant, l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne.

D’autres accusent Calonne d’avoir par sa politique financière acculé le royaume à la banqueroute. Et nombreux sont ceux qui suggèrent de rappeler Necker.

Et Louis a lancé :

« Je ne veux ni neckraille, ni prêtraille. »

Il a regretté cette exclamation. Il ne doit se fermer aucune voie. Mieux vaut laisser le doute et l’incertitude régner, rester le plus longtemps possible insaisissable, que de se dévoiler.

 

Mais il faut bien composer cette Assemblée de notables, et donc choisir les personnalités qui en feront partie.

Et aussitôt les pamphlets, les gazettes imprimés à l’étranger et introduits en France, les caricatures, stigmatisent cette Assemblée qui ne peut être qu’aux ordres, avec ses sept princes du sang, ses trente-six ducs et pairs ou maréchaux de France, ses trente-trois présidents ou procureurs généraux de parlements, ces onze prélats, ces douze conseillers d’État, ces douze députés des pays d’État et ces vingt-cinq maires des principales villes du royaume.

On évoque l’absolutisme, le despotisme même, on la compare avec les assemblées qui se réunissent aux États-Unis, celles que veulent élire les Suisses, les Flamands, les Hollandais.

Et dans tous ces pays les peuples ont conquis des droits, parfois avec l’aide du roi de France qui les refuse à ses sujets.

La Fayette ou Mirabeau répètent qu’il faut une « vraie » Assemblée nationale, et ils martèlent qu’il faut réunir les États généraux, mais ils précisent que les représentants du tiers état doivent être aussi nombreux que ceux réunis des deux ordres privilégiés, et que l’on devrait voter par « tête » et non par « ordre ».

Et l’Assemblée de notables ne s’est pas encore réunie !

Louis est accablé. Il a l’impression que les digues qui retenaient un flot puissant lâchent. Et ce qui déferle ne submerge pas seulement le royaume de France, mais le monde, de Philadelphie à Liège, de Genève à Amsterdam.

Il refuse d’aider les bourgeois hollandais qui se sont rebellés contre leur stathouder. Devrait-il favoriser les adversaires de l’autorité en Hollande, alors qu’il la défend ici ?

 

Mais le trouble, l’angoisse le gagnent, et même le désespoir.

Vergennes, son ministre des Affaires étrangères, meurt.

« Je perds le seul ami sur lequel je pouvais compter, dit-il, le seul ministre qui ne me trompa jamais. »

Sa tristesse se mêle à l’amertume et à l’indignation quand il découvre que plusieurs pamphlets accusent la reine d’avoir fait empoisonner Vergennes !

Elle reprochait au ministre de l’avoir tenue à l’écart, plein de défiance à l’égard de « l’Autrichienne », ne lui faisant jamais part de ses projets, et elle l’accusait même d’avoir discrètement soutenu le cardinal de Rohan dans l’affaire du collier.

Louis ressent ce que plusieurs fois déjà depuis qu’il est roi, il a éprouvé, le sentiment que les « choses »

— le pouvoir, l’opinion, ses proches même, ses ministres – lui glissent entre les mains, comme si l’un des outils qu’il manie dans sa forge et sa menuiserie lui échappait au moment où il voudrait l’utiliser.

 

Il se replie sur lui-même, comme s’il voulait ainsi que le flux des critiques, des attaques, passe sur lui, sans l’entraîner.

Il en veut à Calonne qui devant l’Assemblée de notables, pour justifier ses réformes, cette égalité devant l’impôt, qu’il veut établir, dresse un véritable réquisitoire contre la monarchie, les ordres de la noblesse et du clergé qui en sont les colonnes.

Fallait-il que Calonne dise :

« Les abus qu’il s’agit aujourd’hui d’anéantir pour le salut public ce sont les plus considérables, les plus protégés, ceux qui ont les racines les plus profondes et les branches les plus étendues. Tels sont les abus dont l’existence pèse sur la classe productive et laborieuse, les abus des privilèges pécuniaires, les exceptions à la loi commune, et tant d’exceptions injustes qui ne peuvent affranchir une partie des contribuables qu’en aggravant le sort des autres. »

Il parle de « raison », de « justice », d’« intérêt national », s’en prend ouvertement aux privilégiés de la noblesse, n’épargne pas le clergé, « les ecclésiastiques sont par leur naissance, citoyens et sujets », insiste-t-il. Il dénonce le nombre effrayant des « agents du fisc », prêche pour ce nouvel impôt, la subvention territoriale, critique la gabelle, et s’adresse directement à l’opinion, diffusant, le 31 mars, un Avertissementque commentent les journalistes à sa solde.

« On paiera plus sans doute, mais qui ? demande-t-il. Ceux-là seulement qui ne payaient pas assez ; ils paieront ce qu’ils doivent… Des privilèges seront sacrifiés, la justice le veut, le besoin l’exige, vaudrait-il mieux surcharger encore les non-privilégiés, le peuple ? Il y aura de grandes réclamations… On s’y est attendu ; peut-on faire le bien général sans froisser quelques intérêts particuliers ? Réforme-t-on sans qu’il y ait des plaintes ? »

 

On n’a jamais entendu un ministre du roi parler ainsi, prendre le parti du peuple, non pas au nom de la compassion, mais au nom de l’égalité et de la justice.

Les notables s’indignent :

« Nous prenez-vous pour des moutons de nous réunir pour avoir notre sanction à une besogne toute digérée ? »

Ils condamnent Calonne, son Avertissement, « indigne de l’autorité royale qui ne doit jamais parler au peuple que par les lois et non par une espèce d’écrit qui n’a aucun caractère… ».

Surtout, les notables se présentent comme les défenseurs de la liberté et du droit, face à un pouvoir avide de pressurer le royaume.

« Monsieur de Calonne, dit l’un des membres de l’Assemblée, veut encore saigner la France, et il demande aux notables s’il faut la saigner au pied, au bras ou à la jugulaire. »

Et l’opinion est à ce point travaillée par l’esprit des Lumières, l’hostilité au mode de gouvernement absolutiste, que tout discours qui se réclame de la liberté et exige la représentativité des assemblées est entendu.

Mieux ou pis, toute assemblée – et d’abord les parlements, qui ne rassemblent que des privilégiés – vaut mieux que le pouvoir exécutif.

Et l’on entend à nouveau réclamer la convocation des États généraux, et le doublement du nombre des députés du tiers état, et, revendication décisive, le vote par tête et non par ordre.

 

Louis n’en veut pas.

Il reproche à Calonne ses propos excessifs, ses charges contre les ordres privilégiés.

Ce contrôleur général des Finances pense, parle et écrit, comme un pamphlétaire de la « secte philosophique » !

Voilà ce que disent les proches du roi, et d’abord Marie-Antoinette, qui pousse Louis à se débarrasser de Calonne.

Et le roi, une fois encore, se dérobe au face-à-face avec son ministre.

Calonne qui veut voir le roi s’entend répondre par le premier valet de chambre, que Sa Majesté a défendu de le laisser entrer.

Et le 8 avril 1787, au nom du roi, on vient réclamer à Calonne sa démission.

Le 30 avril, Louis accepte, pressé par la reine, de nommer contrôleur général des Finances l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, qui fut proche de Turgot, qu’on dit habile, capable de se concilier « le suffrage des sociétés dominantes ».

Mais Louis XVI sait que Loménie de Brienne est l’un de ces prélats de cour plus libertin qu’homme pieux.

 

Si Louis cède, c’est que la situation se dégrade, qu’il faut agir vite.

L’Assemblée de notables vient de remporter une victoire avec le renvoi de Calonne. Elle est confortée dans son refus des réformes.

L’opinion réclame le retour de Necker.

Les parlements sont dressés sur leurs ergots, prêts à défendre bec et ongles leurs droits face au roi, en fait à protéger contre toute réforme leurs privilèges, forts de l’appui que leur apporte l’opinion.

Et d’abord ces milliers de clercs de la basoche, diplômés et crevant de faim, ces libellistes, ces gazetiers, ces « journalistes », et tout ce monde qui gravite dan chaque province, autour des parlements.

Dans ce milieu-là, celui des avocats, celui de la franc-maçonnerie, des sociétés de pensée, on a lu Voltaire, applaudi Beaumarchais et les « patriotes » d’Amérique, comme ceux de Hollande.

Et on déteste l’Autrichienne, Madame Déficit, dont le cœur est à Vienne, capitale des Habsbourg, la plus absolutiste des dynasties européennes.

 

Cette « fermentation des esprits » autour des parlements gagne le milieu des artisans, des boutiquiers qui ont le sentiment qu’ils sont « tondus » au bénéfice de ces « marquis » qui festoient avec l’Autrichienne et qui ne se sont « donné que la peine de naître ».

Et il y a tous ceux, le peuple innombrable, qui s’agenouillent devant le roi, si bon.

Ces « sujets »-là ne se nourrissent que de pain, or il est de plus en plus cher, en ces années 1787-1789, parce que les blés ont souffert du froid, que le grain est rare, et son prix de plus en plus élevé.

Et pendant ce temps-là, dit-on de plus en plus fort, la reine achète un collier de plusieurs centaines de milliers de livres, par l’intermédiaire d’un de ces cardinaux qui osent invoquer le Christ, ce pauvre crucifié.

Et les prêtres, ce bas clergé qui connaît, côtoie et même partage la misère des humbles, se sentent plus proches de ces pauvres manouvriers que du cardinal de Rohan ou de Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, libertin devenu chef du Conseil des finances, par la grâce du roi et la volonté de l’Autrichienne.

Louis, même s’il ressent la difficulté de la situation, ne mesure pas cette évolution de l’opinion.

Elle est comme une forêt sèche dont les sous-bois commencent à brûler, et qu’un coup de vent peut embraser.

Marie-Antoinette soupçonne encore moins que son époux, malgré les calomnies, les injures, les caricatures, les pamphlets qui la prennent chaque jour pour cible, l’étendue et la profondeur de la réprobation et même de la haine qu’elle suscite.

Elle est donc plus surprise que Louis lorsque, recevant avec Louis Loménie de Brienne, ils l’entendent formuler le vœu de se voir adjoindre Necker, et d’être autorisé à préparer la convocation des États généraux.

Louis est stupéfait, mais aussi terrifié.

« Quoi, Monsieur l’Archevêque, vous nous croyez donc perdus ? Les États généraux ? Mais ils peuvent bouleverser l’État et la royauté ! Et Necker ! Tout ce que vous voudrez hors ces deux moyens. La reine et moi sommes tout prêts aux réformes et aux économies. Mais de grâce, n’exigez ni Monsieur Necker, ni les États généraux. »

 

Mais il suffit de quelques semaines pour que le roi se rende compte, avec effroi, que l’idée de la convocation des États généraux progresse vite et s’impose peu à peu. Loménie de Brienne n’a rien obtenu de l’Assemblée de notables, devant laquelle il a repris l’essentiel du plan de Calonne. Mais les notables exigent d’abord que le contrôleur général des Finances soit surveillé par un Comité ; autant dire que le roi perd la maîtrise des finances.

Inacceptable pour Louis XVI. Et le 25 mai 1787, le roi dissout l’Assemblée de notables, ce qui aussitôt renforce dans l’opinion le désir de la convocation des généraux. Ils rassemblent, dit La Fayette, « les représentants authentiques de la nation ».

Et dans les gazettes on n’hésite pas à écrire :

« Pourquoi le roi ne serait-il pas en tutelle ?… Il faut rappeler quelquefois les chefs des nations à leur première institution et leur apprendre qu’ils tiennent le pouvoir de ces peuples qu’ils traitent souvent en esclaves ! »

Ces gazetiers sont pour la plupart payés par telle ou telle coterie, et celle du duc d’Orléans est la plus puissante. Le duc est cousin du roi, mais ambitieux, jaloux, les souverains l’ont maintes fois blessé, et il se présente en homme des Lumières.

Et « ses » gazetiers critiquent le roi, la reine, le pouvoir monarchique, mais en même temps ils soutiennent les parlementaires, écrivent : « Les notables ont montré que la nation existait encore. »

 

Louis qui imagine qu’il va pouvoir faire enregistrer les édits réformateurs par le Parlement de Paris, en usant, si besoin est, comme il en a le droit souverain, d’un « et de justice », qui impose l’enregistrement, ne mesure pas, une fois encore, l’évolution de l’opinion.

 

Durant les mois de mai et de juin, le Parlement refuse d’enregistrer l’édit créant l’impôt dit de « subvention territoriale » et il déclare « que seule la nation réunie dans ses États généraux peut consentir un impôt perpétuel ».

Le 6 août, le roi convoque à Versailles un lit de justice.

Il fait chaud dans la salle où s’entassent les parlementaires. L’enregistrement des édits est obligatoire, mais pendant que se déroule la séance, le roi s’endort, ronfle parfois, donnant l’image, en cette période tendue, cruciale, d’un souverain à la fois méprisant et impotent.

Mais le 7 août, le Parlement de Paris déclare nul le lit de justice de la veille.

Le 10 août, il décide l’ouverture d’une information criminelle contre les « déprédations » commises par Calonne. Manière de montrer sa résolution, d’avertir les ministres qu’ils ne sont plus intouchables – et derrière eux le roi – et de les inviter ainsi à la modération et au respect des prérogatives parlementaires.

Calonne – bien que l’arrêt du Parlement ait été cassé -est inquiet et décide de se réfugier en Angleterre : contraint à émigrer par une assemblée de privilégiés, qui lui reprochent d’avoir au nom du roi voulu réformer le royaume !

 

Accablé, le roi lit les rapports des « mouches », ces informateurs du lieutenant général de police que traquent les clercs de la basoche, qu’ils poursuivent et rouent de coups, sous les applaudissements d’une foule de plusieurs milliers de personnes qui viennent acclamer les parlementaires, chaque fois qu’ils dénoncent les édits comme contraires « aux droits de la nation » ou décident d’annuler l’enregistrement de ces édits en lit de justice.

Les manifestants crient : « Vive les pères du peuple ! Point d’impôts ! »

 

Louis XVI est envahi par l’indignation.

Le Parlement doit plier, pense-t-il par saccades, et il écoute Loménie de Brienne qui lui demande d’exiler les parlementaires à Troyes.

Puis le roi est saisi par le doute. Il craint les conséquences de cette épreuve de force, et cependant toute sa conception de l’autorité monarchique l’incite à agir.

Il est divisé et lui qui recherche l’effort physique pour se rassurer, se sent tout à coup las, sans qu’il ait besoin de chevaucher ou de forger. Il a l’impression que son corps puissant et lourd l’accable.

Il somnole pour fuir les maux de tête, les brûlures d’estomac, tous ces symptômes qu’il ne connaissait pas. Il acquiesce, sans même pouvoir examiner à nouveau toutes les suites de sa décision, à la proposition de Brienne.

II signe les lettres de cachet aux parlementaires afin qu’ils les reçoivent dans la nuit du 14 au 15 août.

Il ne sait pas que certains parlementaires ont menacé Brienne, l’avertissant :

« Prenez garde, ce n’est plus une guerre parlementaire que vous allumez, mais une guerre civile. »

 

Pourtant, les parlementaires quittent Paris, mais arrivés à Troyes ils réaffirment qu’ils ne changeront pas d’avis.

« Seuls les États généraux peuvent sonder et guérir les plaies de l’État et octroyer les impôts. »

Plus grave, Paris s’enflamme.

Le 17 août, le jour où les comtes d’Artois et de Provence se rendent au Palais de Justice pour y faire enregistrer les édits, la foule envahit les bâtiments, encercle les frères du roi criant : « À Bicêtre ! À Bicêtre ! » et s’adressant au comte de Provence – hostile aux choix de Louis XVI – lui lance : « Courage, Monsieur, vous êtes l’espoir de la nation. »

La garde tire. Il y a des morts et des blessés.

Les magistrats de la Cour des aides – la salle où ils délibèrent est occupée par les manifestants – déclarent, comme ceux de la Chambre des comptes, qu’il faut réunir les États généraux.

Des bandes de jeunes gens parcourent les rues, envahissent les boutiques, saccagent la maison d’un commissaire de police qui a arrêté deux manifestants, rouent de coups les colporteurs qui crient le texte des édits, insultent les gardes françaises.

On affiche des placards :

« Dans huit jours il nous faut le Parlement ou le feu. »

Le roi, la reine, le comte d’Artois sont insultés. On distribue des pamphlets injurieux contre les souverains, et d’abord cette Autrichienne, cette Madame Déficit.

Une estampe représente le couple royal à table avec cette légende :

« Le roi boit, la reine mange, et le peuple crie ! »

En province, des manifestations ont lieu autour des parlements, et les magistrats envoient des adresses au roi exigeant le « rappel du Parlement ».

 

Louis veut échapper à ce cauchemar qui lui révèle un royaume qu’il n’avait pas imaginé.

Il laisse d’abord Brienne rétablir l’ordre à Paris et faire évacuer le Palais de Justice, mais en même temps il veut donner des signes d’apaisement, séduire cette opinion éclairée, la détacher des parlements.

Un édit de tolérance rend leur état civil aux protestants. On examine la situation des juifs du royaume et on envisage leur émancipation.

Mais chaque geste déclenche la réaction hostile d’une partie de l’opinion : l’Assemblée du clergé de France adresse des remontrances au roi.

 

Il faut donc négocier avec le Parlement de Paris, mettre fin à son exil, retirer la subvention territoriale,

et promettre la convocation des États généraux, pour 1792.

Quant au Parlement, il accepte d’enregistrer un édit sur l’impôt du vingtième.

 

Des manifestations de joie, des affrontements violents avec les gardes françaises accueillent le retour des parlementaires à Paris.

Mais leur arrangement avec le roi est jugé par les plus déterminés comme une capitulation et une lâcheté. Le Parlement à leurs yeux s’est déconsidéré.

« Il nous faut une barrière au retour des abus, dit-on. II nous faut les États généraux. »

Et certains ajoutent : « Une assemblée nationale. » Quant à la reine, elle s’exclame :

« Je croyais avoir épousé un roi de France, je vois mon erreur, je n’ai épousé qu’un roi d’Angleterre. »

Et à la Cour, on partage sa déception.

Le roi, désemparé, constate que personne n’est satisfait. L’agitation n’a pas cessé. La crise financière s’aggrave.

Puisqu’on a renoncé à la subvention territoriale, il faut lever des emprunts, dont l’un de 420 millions. Et le Parlement doit l’enregistrer en séance royale.

Elle a lieu le 19 novembre 1787, à Paris.

 

Le roi s’exprime avec fermeté :

« Je veux tenir cette séance, dit-il, pour rappeler à mon Parlement des principes dont il ne doit pas s’écarter. Ils tiennent à l’essence de la monarchie et je ne permettrai pas qu’ils soient menacés ou altérés. »

Et après avoir écouté les réponses des parlementaires, il conclut que conformément aux règles d’une séance royale, il n’y aura pas de vote : « Il est nécessaire d’établir les emprunts portés par mon édit.

« J’ai promis les États généraux pour 1792, ma parole doit vous suffire. J’ordonne que mon édit soit enregistré. »

Il se lève, s’apprête à partir au milieu des murmures.

Tout à coup, le duc Philippe d’Orléans lance, debout, d’une voix furieuse mais hésitante :

« C’est illégal ! »

Il insiste pour qu’on spécifie que c’est du commandement du roi – son cousin – que l’édit est enregistré.

Louis, le visage empourpré par la surprise, l’émotion, bredouille :

« Cela m’est égal, vous êtes le maître. »

Puis d’une voix plus forte :

« C’est légal parce que je le veux. »

 

Louis est indigné par la « trahison » de Philippe d’Orléans. Et Marie-Antoinette est plus encore que Louis scandalisée par le comportement du duc d’Orléans qui semble vouloir s’imposer comme le chef des adversaires de la politique royale. Il faut sévir, insiste-t-elle.

Le roi s’y résout.

Le duc d’Orléans sera exilé dans son château de Villers-Cotterêts, et deux parlementaires qui semblent avoir agi de concert avec lui seront emprisonnés à la citadelle de Doullens. Une députation du Parlement tentera le lendemain de faire revenir le roi sur ses décisions.

« Je ne dois compte à personne de mes résolutions, leur répond Louis XVI. Chacun est intéressé à la conservation de l’ordre public, et l’ordre public tient essentiellement au maintien de mon autorité. »

Mais la foule, à la sortie du Parlement, avait porté le duc d’Orléans en triomphe.

Et les parlementaires à Paris et en province affirmaient que « la liberté individuelle était la plus sacrée des propriétés ».

Le parlement de Rennes déclarait :

« Les abus tolérés et l’oubli des règles amènent le mépris des lois, et le mépris des lois prépare la chute des Empires. »

Le Peuple et le Roi
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